Que vous soyez déjà adepte de la corde, ou que vous aspiriez à ajouter cette corde à votre arc, le shibari fait peut-être partie de vos fantasmes fétichistes… L’aspect visuel et esthétique du ligotage ; la sculpture humaine créée à partir du corps de l’autre ; la sensation du toucher dans la paume de vos mains lorsque vous manipulez la corde ; le frottement de sa texture sur le corps ; l’émotion que vous ressentez lorsque vous êtes en position de servitude, entièrement à la merci de votre partenaire ; ou, au contraire, la conscience d’une liberté et d’une domination sur l’autre, remise entre vos mains expertes… : les raisons d’apprécier le shibari sont nombreuses. Il s’agit d’un art sensuel, et sexuel pour certains, qui a le pouvoir de stimuler à la fois les sens et la relation entre les partenaires. Il passe par un jeu de maîtrise et de lâcher prise consenti entre les deux.

Le shibari : art culturel ou objet de fantasmes
Le shibari au fil du temps, et des cultures
D’origine japonaise, cette pratique de bondage de plus en plus populaire, fait initialement référence à la manière dont les prisonniers étaient traités par les policiers japonais. A l’aide de cordes et de nœuds précis, cette pratique permettait de maîtriser totalement le criminel et ses mouvements. Au fil du temps, la symbolique de la corde se retrouve dans la culture nippone : au travers de peintures, de scènes de théâtre, de romans. Elle s’exporte ensuite progressivement dans la culture occidentale, essentiellement sous forme de fantasmes (dans les clubs, les films…) à partir des années 60-70.
Shibari signifie « attacher » en japonais. On lui donne parfois d’autres termes comme le kinbaku (qui fait souvent référence à des expériences BDSM plus contraignantes), ou simplement de « jeux de cordes ».
La corde mise en scène
Pratiqués nu ou habillé, ces jeux peuvent être effectués en toute intimité, ou en présence d’un public averti. Par exemple, sous forme de scènes de bourreaux et prisonniers (BDSM plus ou moins soft), de justiciers ou héros (cosplay), ou toute autre scène théâtralisée qui convient aux partenaires. Au-delà de la mise en scène, le décor et l’ambiance peuvent aussi être très importants dans ces pratiques. Bien que le shibari se caractérise par un aspect très créatif et par l’extase mentale, spirituelle et physique ressentis par les partenaires de cordes, il n’en reste pas moins une pratique très technique qui se doit d’être suffisamment maîtrisée pour être pratiquée.

Règles, rigueur, patience et plaisir
Pas d’encordage… sans sécurité !
Face aux risques encourus (douleurs, étranglements, compressions vasculaires ou nerveuses…), quelques précautions et règles de sécurité sont indispensables :
Règle N°1 : Avant de pratiquer le shibari sous forme de jeu, il vous faut de l’entrainement… beaucoup d’entrainement ! Pour apprendre à faire les nœuds de manière fluide (et si possible esthétiques, c’est quand même tout l’intérêt !) ; savoir les serrer correctement (ni trop, ni pas assez) ; connaître l’anatomie humaine et les zones à risque ; savoir effectuer les contrôles de sécurité…
Règle N°2 : Le modèle (celui qui est attaché) va se donner entièrement, dans toute sa vulnérabilité. Il doit donc évidemment être consentant (il est toujours important de le rappeler !). Mais cela ne suffit pas : il convient de négocier le cadre et les limites avec son rigger (attacheur) avant de jouer. Tout au long du processus, les feed-backs et les observations sont essentiels pour éviter de blesser l’autre, et pour que l’expérience soit réussie !
Règle N°3 : S’assurer au préalable que l’état de santé de son partenaire de corde est correct
Règle N°4 : S’accorder sur un safeword (mot d’urgence), et prévoir une paire de ciseaux à proximité pour couper la corde en cas d’urgence
Règle N°5 : Vérifier l’état de son matériel et l’entretenir correctement
Plaisir et créativité comme maîtres mots
Comme tout jeu de ce type, la créativité, le lâcher prise, la spontanéité et le plaisir restent les maîtres-mots ! Le respect de ces règles est donc essentiel pour vivre ces moments intensément dans son corps et dans l’interaction à l’autre.
Évidemment, chacun aura ses préférences. Certains orienteront leurs jeux vers la fermeté et la contrainte. D’autres préfèreront la sensualité et le sens esthétique. Vous pourriez y rechercher la souffrance, l’imagination, le prise de pouvoir, l’humiliation, le care (prendre soin de), l’excitation sexuelle… Vous opterez pour l’élasticité du coton, ou plutôt pour la rugosité des fibres naturelles (chanvre, jute). Quelles que soient ces préférences, il existe au moins un point commun et indispensable : le respect des limites physiques et psychologiques de chacun.

De l’initiation à la perfection de l’art de la corde
Vous souhaitez vous initier au shibari ?
Conseil N°1 : Vous trouverez des cordes prêtes à l’emploi (6 à 8 mm de diamètre) dans n’importe quel sex-shop. Utilisez exclusivement du matériel dédié au Shibari. Et avant tout achat, prenez-les en main, touchez-les, observez-les : votre corde doit d’abord plaire à vos sens !
Conseil N°2 : Il existe de nombreux tutoriels sur YouTube et des livres très bien faits pour vous initier, et valider que cette pratique vous plait. Si vous souhaitez être plus expérimentés, il vous faudra quelques bonnes heures d’entrainement et, surtout, des formations proposées par des spécialistes du cordage.
Conseil N°3 : Entrainez-vous sur vos amis, en dehors de toute mise en scène au départ : trouvez-vous des « cobayes techniques » qui vous feront des retours adaptés sur votre serrage et votre aisance.
Conseil N°4 : Armez-vous de patience car vous allez devoir faire et refaire jusqu’à ce que vous maîtrisiez le geste et le reteniez… Mais soyez sûr que le résultat vaut vraiment le coup !
Le shibari : un état d’esprit !
Si vous voulez vous lancer, retenez également une chose : contrairement aux idées reçues, l’objectif du shibari n’est pas de faire mal ! Et à ce propos, un petit conseil d’ami : si votre intention est d’utiliser ce mode de contention pour des jeux sexuels, sachez qu’être encordé peut devenir particulièrement inconfortable en pleine action. Donc si votre plaisir sexuel est amplifié par ces pratiques d’encordage, il reste tout de même préférable de passer à l’acte une fois l’encordé libéré de ses contraintes…
Aussi, ne négligez jamais le pouvoir (et l’absolu nécessité pour certains !) de l’after care : ce moment dédié à prendre soin de celui qui aura accepté de mettre toute sa vulnérabilité entre les mains de l’autre…
Si le shibari nous plonge dans des pratiques ancestrales, parfois inaccessibles, souvent fantasmées, il offre aussi la possibilité, grâce à de « simples cordes » de changer le regard sur nous-même et sur l’autre.
Une pratique à explorer avec rigueur et progression… mais sans modération ! Et, bien évidemment, à agrémenter de toutes vos autres envies fétiches : tenues, accessoires qui ne feront que rendre ces jeux encore plus exaltants !
Merci à Steffy – Lady Mistressa pour cet article
Quelques ressources utiles
L’art du Shibari volume 1: Guide d’apprentissage – Steph Doe et Dirty von P
L’art du Shibari vol 2: Approfondir les bases – Steph Doe et Dirty von P
Shibari, L’atelier de cordes – Philippe Boxis